Qualité de l’eau, à qui faire confiance ?
Des résultats satisfaisants du côté des perturbateurs endocriniens :
Parmi les molécules que nous avons recherchées, plusieurs sont des perturbateurs endocriniens potentiels ou avérés. Ces substances susceptibles d’interférer avec le système hormonal, peuvent altérer le développement normal des organismes vivants.
Actuellement, il n’existe pas de réglementation spécifique aux perturbateurs endocriniens dans l’eau.
Nous avons bien évidement recherché et quantifié le bisphénol A dont l’ipact sur le système hormonal est désormais reconnu et sept phtalates (DMP, DOP, DEHP, BBP, DBP, DIBP, DEP) parmi les plus répandues dans l’environnement et potentiellement toxiques pour la reproduction humaine.
BONNE NOUVELLE
La totalité de nos références d’eaux en bouteilles affichent des teneurs en bisphénol A et en phtalates en deçà de la limite de quantification.
Ces résultats concordent avec le fait que les bouteilles en PET ne contiennent pas de bisphénol A.
Du côté de l’eau du robinet, nos résultats concernant les phtalates sont là aussi plutôt rassurants : dans tous les prélèvements que nous avons effectués, ces composés sont présents dans des proportions inférieures à la limite de quantification.
Retardateurs de flamme :
Nous nous sommes aussi intéressés de près aux retardateurs de flamme, des substances d’un usage extrêmement large. Plus de 1,5 million de tonnes de retardateurs e flamme sont commercialisées dans le monde chaque année. Ils sont employés dans les équipements électriques, électroniques et en plastique, dans les éléments de construction, les matériaux d’isolation, les textiles, les canapés, les rideaux, les tapis etc etc etc …
Leurs effets toxiques ne sont pas encore bien connus. Mais on les soupçonne fortement, eux aussi, d’être des perturbateurs endocriniens, susceptibles d’avoir un impact sur la fécondité.
Parmi les neuf molécules de retardateurs de flamme recherchées par le laboratoire, aucune n’a été retrouvée dans l’eau du robinet ni dans les eaux en bouteille.
Là encore, ce très bon résultat s’accorde avec le fait que le principal composé du plastique des bouteilles, le PET : Polyéthylène téréphthalate, ne contient pas ce type de substance.
Cependant nous avons décelé un retardateur de flamme dans l’une des bonbonnes
Des traces de médicaments jusque dans de l’eau minérale :
Aujourd’hui les scientifiques ont identifié quelque 3.300 molécules thérapeutiques dans les eaux brutes, qui peuvent être polluées via les urines, les effluents hospitaliers ou encore agricoles, du fait de l’utilisation de médicaments vétérinaires.
Aucune réglementation n’impose un contrôle systématique sur lrs résidus de médicaments, que ce soit dans l’eau brute ou dans celle que nous buvons.
Face à l’inquiétude croissante des consommateurs, l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation (ANSES) a ené, en 2011, une compagne nationale de mesures, effectuée sur 45 substances pharmaceutiques : 1/4 des eaux potables contenaient 1 à 4 traces de molécules, les plus fréquentes étant la cafeine, des neuroleptiques et le paracétamol.
35 Molécules recherchées :
Nous avons mené nos propres analyses en recherchant, sur chacun de nos échantillons, 35 molécules médicamenteuses.
Elles ont été choisies d’après la liste des résidus de médicaments prioritaires établie par l’Anses et sur l’étude de référence (Birkett 2003) concernant les perturbateurs endocriniens dans les milieux aquatiques.
Résultat :
2 résidus de médicament ont été retrouvés parmi nos 10 prélèvements d’eau du robinet.
Il s’agit d’un vasodilatateur (naftidrofuryl) et plus inattendu, du tamoxifène, une hormone de synthèse utilisée dans le traitement du cancer du sein.
Celle ci a été décelée notamment en milieu urbain (Rennes et Limoges).
Bien qu’ils aient été détectés dans un tiers de nos prélèvements, aucune conclusion ne peut être tirée sur l’ensemble d’un département. Reste que ces résidus ne sont pas systématiquement recherchés dans les eaux traitées.
C’est regrettable, même s’il ne s’agit que de traces.
Des résultats contestés
Mais la grande surprise vient de nos eaux en bouteilles : 10 % d’entre elles présentent, elles-aussi, des résidus de tamoxifène ! les teneurs sont certes extrêmement faibles : au maximum de 0,001 % de la dose habituelle pour un traitement en buvant 1,5 litre. C’est infime, mais suffisant pour que l’on s’interroge sur la « pureté originelle » imposée par la réglementation des eaux minérales.
Ces résultats ont été contestés par des entreprises concernées, estimant que la méthodologie que nous avons choisi a pu produire des « faux positifs ». Certains toxicologues tels que Yves Levi nous ont aussi fait part de leur étonnement face à la présence de tels résidus de médicaments. Nous avons été interpellés, au point que nous avons refait nos analyses et poussé les recherches.
La seconde analyse a confirmé cette présence, sans que nous soyons en mesure d’en expliquer l’origine. Malgré toutes les précautions prises, nous ne pouvons pas non plus exclure totalement l’hypothèse d’une contamination extérieure aux échantillons étudiés.
Pour lever toute incertitude, il faudrait que les professionnels et les pouvoirs publics mènent d’autres analyses, aussi fines que les nôtres.
Des traces de pesticides dans des eaux du robinet, mais aussi dans quelques bouteilles
Le terme générique de pesticides englobe tous les produits phytosanitaires (herbicides, fongicides, biocides …) utilisés en agriculture.
Parant de la liste des pesticides prioritaires de l’Anses, nous en avons recherché 36.
Dans les eaux destinées à la consommation humaine, la norme européenne fixe à 0,3 ug/l la limite de qualité pour tous les pesticides – à l’exception de 4 substances particulièrement persistantes dans l’environnement (aldrine, dieldrine, heptachlore, heptaclorépoxyde) et de ce fait limitées à 0,03 ug/l.
Nos résultats attestent de la présence de deux à quatre pesticides dans la majorité des eaux du robinet (7 sur 10) ainsi que dans 4 eaux embouteillées, minérales (Cora gazeuse, Vittel, Volvic) et de source (Cristaline gazeuse, Vittel, Volvic) et de source (Cristaline gazeuse). L’atrazine et son métabolite l’hydroxyatrazine sont les plus fréquemment retrouvés. Interdits en 2001 ces désherbants – de même que l’oxydixyl, un fongicide détecté dans une eau de source – sont très persistants et solubles dans l’eau. Il n’est pas étonnant de les retrouver dans l’eau du robinet prélevée en Ille et Vilaine et en Seine et Marne, deux régions de forte activité agricole.
Problème : cette substance est classée « produit nocif » pour l’homme.
Une inconnue, l’effet cocktail.
La dose journalière acceptable (DJA) de l’atrazine est de 40 ug/kilo de poids corporel, soit 2,4 mg/jour pour un homme de 60 kg. D’après les teneurs que nous avons mesurées, il faudrait boire plusieurs milliers de litres des eaux de l’essai pour atteindre la limite admissible ….
Mais ce n’est pas toujours le cas. A l’échelle nationale, parmi les centaines de dérogations aux normes sanitaires accordées par les préfets, un grand nombre concerne l’atrazine et ses métabolites (voir la liste des dérogations sur www.prixdeleau.fr). Et ces mêmes substances sont régulièrement impliquées dans les situations de restriction des usages alimentaires de l’eau.
Si tous les micro polluants sont ici présents en très faibles teneurs, leur variété interroge sur les potentiels effets cocktails. On ignore en effet à ce jour tout ou presque du risque environnemental et sanitaire qui serait lié à ces mélanges de molécules, de surcroît ingérés sur plusieurs années.
« Mais n’oublions pas que l’eau représente seulement 10 % de l’exposition humaine à la multitude de polluants, le reste étant apporté par l’alimentation et par l’air » souligne le toxicologue Yves Lévi.
Cela n’empêche pas qu’une meilleure prise en compte de ces molécules par les autorités sanitaires soit indispensable.